Histoire

article | Temps de Lecture10 min

Histoire de l'abbaye de Beaulieu-en-Rouergue

Vue du chevet de l'église

Embarquez dans un voyage à travers le temps pour découvrir la destinée particulière d’une abbaye cistercienne, nichée au fond d'une petite vallée, et devenue l’écrin d’une fabuleuse collection d’art !

Aux origines

La communauté de Beaulieu est fondée au XIIe siècle. Elle est attestée en 1151 par un document mentionnant un don de terre aux moines. Les premiers sont probablement des ermites qui rallieront dans un second temps l’ordre cistercien.

Pourquoi ici ? La présence de l’eau est déterminante dans le choix du lieu d’implantation de la communauté. Le cadre enchanteur de cette petite vallée reculée où coule la Seye   finit de convaincre les moines. L’endroit est très vite identifié par le terme Belloc  .

Vue aérienne de l'abbaye de Beaulieu
Vue aérienne de l'abbaye de Beaulieu-en-Rouergue

© Éric Sander / Centre des monuments nationaux

Une communauté cistercienne

La vie de la communauté est régie par la Règle de saint Benoît. De quoi s'agit-il ? Établie au VIe siècle, elle contient 73 chapitres et se développe au XIIe siècle grâce à Bernard de Clairvaux qui essaime, partout en Europe, les préceptes mis en place par Robert de Molesme à l’abbaye de Cîteaux.

Pour les cisterciens, le respect des vœux de pauvreté et d’humilité est essentiel. Ils renoncent à toute possession matérielle et traduisent ces valeurs dans l’architecture, simple et sobre

Saviez-vous que toutes les abbayes cisterciennes sont conçues de la même manière ? Elles s’organisent autour du cloître, placé au centre du monastère. Les galeries qui l’entourent servent de voie de communication principale et desservent chacune des salles du bâtiment. L’église est au nord, son chevet tourné vers l’est. À l’est, on retrouve la salle capitulaire, où se tient chaque jour la réunion du chapitre des moines, et le dortoir des moines.

Au sud se trouvent les pièces fonctionnelles (cuisine, réfectoire des moines, chauffoir) alors que l’aile ouest est réservée aux moines convers  . Ainsi, à chaque espace sa fonction particulière.

Le cloître gothique de l’abbaye de Beaulieu est détruit pendant les guerres de Religion (1562 - 1598), lors d’une mise à sac par les protestants. Les moines abandonnent alors l’abbaye une dizaine d’année, de 1592 au début du XVIIe siècle.

Vue de l'intérieur de l'église avec ombre portée de la rosace occidentale au sol et triptyque de l'artiste Serpan dans le chevet
Intérieur de l'église abbatiale de Beaulieu

© Éric Sander / Centre des monuments nationaux

Des abbés commendataires

La règle cistercienne veut que l’abbé soit élu par les moines. Mais au XVIe siècle, la plupart des abbayes cisterciennes passent sous le régime de la commende : l’abbé est désigné par le Roi et confirmé par le pape. Cette nouvelle organisation modifie la gestion quotidienne des abbayes, l’abbé bénéficiant des revenus de l’abbaye et déléguant la plupart du temps son administration temporelle et spirituelle à un prieur  .

Ce bouleversement et les dégâts causés par les guerres de Religions poussent à entamer des travaux de restauration et d’aménagement au XVIIe siècle : le logis abbatial est rehaussé d’un étage, le dortoir des moines remplacé par des cellules individuelles pourvues de garde-robes, des salons à l’usage de l’abbé et du prieur sont créés et décorés de gypseries   et de décors peints.

Vue d'une partie du logis abbatial, dans un cadre de verdure
Logis abbatial vu du jardin

© Éric Sander / Centre des monuments nationaux

La Révolution française et le XIXe siècle

La Révolution française marque la fin définitive de l’occupation monastique de l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue. Elle est vendue comme bien national à un ancien capitaine de la marine marchande devenu juge de paix à Saint Antonin, Joseph Perret. Ce dernier lègue le domaine à la municipalité de Saint Antonin Noble Val.

En 1842, la municipalité de Saint Antonin envisage de doter sa commune d’une nouvelle église. L’architecte Eugène Viollet-le-Duc propose de déposer pierre à pierre l’église abbatiale de Beaulieu pour la reconstruire dans le village. Malgré l’opposition de Prosper Mérimée, la translation commence en 1844, la toiture puis la charpente de la nef sont démontées...

Mais le projet est trop coûteux ! Pour le financer, le domaine est vendu à Auguste Coste en 1845. Mais cela ne suffit pas, le projet est définitivement stoppé et l’église également vendue à Costes en 1872. Il transforme l’ensemble en domaine agricole.

Plan dessiné de l'église abbatiale, avec une partie de la toiture otée. Par Viollet-le-Duc
Dessin de l'église abbatiale de Beaulieu par Eugène de Viollet-le-Duc

©Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP

Le renouveau de Beaulieu

C’est donc dans un état de délabrement avancé que Geneviève Bonnefoi et Pierre Brache, les mécènes qui ont permis à Beaulieu de renaître de ses ruines, découvrent l’abbaye en 1953. Après l’achat en 1960, il leur faudra 10 ans pour la sauver de la ruine !

Dès le début, ils sont marqués par les étranges signes décoratifs, que l’on trouve dans la salle capitulaire. Ces motifs ressemblent tant à l’art moderne que Pierre et Geneviève collectionnent depuis une dizaine d’années déjà. L’abbaye de Beaulieu en devient l’écrin parfait. Les œuvres sont régulièrement présentées lors d’expositions qui se tiennent dans l’église.

Dessin graphique, tracé blanc sur fond rouge. Détail d'un arc voûté de la salle capitulaire
Dessin graphique de la salle capitulaire

© Thomas Rothé / Centre des monuments nationaux

En 1973, Pierre Brache et Geneviève Bonnefoi se séparent. Pour garder l’intégrité de leur projet, ils donnent une partie de la collection et du lieu à la Caisse Nationale des Monuments Historiques. L’abbaye continue à accueillir expositions et visiteurs.

Peintures accrochées au mur de l'église abbatiale, avec public déambulant et ombre portée de la rosace occidentale sur le sol de l'église.
Inauguration de l'exposition "Autour d'une Collection. 1945-1980..." dans l'église abbatiale

© Reproduction Camille Padilla / CMN

Pierre Brache fait de Geneviève son héritière lors de son décès en 1998 : elle récupère les œuvres que Pierre avait gardées lors de leur séparation. Elle décède à son tour en 2018 en léguant l’intégralité de ses biens au Centre des monuments nationaux. Ils sont inventoriés et un vaste projet de réhabilitation permet la présentation de la collection d’art moderne au sein de l’abbaye. L’espace muséal est complété d’un vaste parc paysager où un jardin de mille roses ravit les visiteurs ! 

Vue de la première salle du parcours muséal présentant les oeuvres de la collection Brache/Bonneofi. Oeuvres de Vasarely, Manessier, Bissières et Viera da Silva accrochées sur un mur blanc
Les débuts de la collection Brache/Bonnefoi, salle du parcours muséal de l'abbaye de Beaulieu

© Marie-Caroline Lucat / Centre des monuments nationaux